Tandis que certaines destinations se lancent dans le démarketing pour limiter les afflux de touristes, la Meuse a lancé sa marque territoriale, « Juste la Meuse », en 2021.

L’objectif : enrayer la baisse de population qui sévit depuis plusieurs dizaines d’années et redonner un souffle à l’économie locale.

Meusienne depuis toujours, je connais les avantages de ce territoire et je les apprécie suffisamment pour avoir choisi d’y vivre ces 39 dernières années. Pourtant il faut bien reconnaître que la Meuse est largement méconnue, parfois même dévalorisée, comme beaucoup de territoires ruraux. Pas simple de sortir sa carte du jeu quand on n’a ni la mer ni la montagne et que certains préjugés vous collent à la peau…

Quels sont les enjeux d’une démarche de marketing territorial pour les territoires ruraux ? Par où commencer quand tout est à mettre en place ? Comment fait-on pour valoriser un territoire mal connu voire dénigré ?

Pour répondre à ces questions, j’ai rencontré Guillaume GIGANT, Directeur adjoint et ancien responsable du Pôle marketing territorial chez Meuse Attractivité.

Pour commencer, est-ce que vous pouvez nous expliquer quels sont le rôle et les missions de Meuse Attractivité ?

Meuse Attractivité est une association loi 1901 créée en 2019.

En tant qu’agence d’attractivité, nous avons deux missions principales :

  • Contribuer au développement économique du territoire meusien.
  • Favoriser son développement touristique.

Pour le dire simplement, il faut qu’on fasse venir des touristes en Meuse, des entrepreneurs, des investisseurs et aussi des familles, pour repeupler le territoire. Ce qui n’est pas une mince affaire, mais c’est la mère des batailles puisque la Meuse perd 10 000 habitants tous les 10 ans, alors qu’on n’est déjà pas nombreux (184 000 habitants). On sait que, autant pour le développement économique que pour la vie des habitants ici, il ne faut pas tomber en-dessous d’un certain seuil. Donc il y a un enjeu fort.

Comment fait-on pour valoriser un département comme la Meuse, qui a des atouts indéniables mais qui sont méconnus ?

La première étape c’est de partir de qui on est, en termes de marketing territorial, de communication et de structuration de l’offre économique et touristique.

Ensuite, il faut faire des choix parmi les atouts qu’on a identifiés. On travaille une vision, on part des besoins des audiences auxquelles on s’adresse et en fonction on identifie ce qu’on doit mettre en avant prioritairement. Cela implique de laisser d’autres choses de côté mais ça évite d’avoir une approche de saupoudrage, c’est-à-dire de montrer absolument tout ce que fait le territoire, mettre tous les sujets au même niveau pour que tout le monde soit content, ce qui serait contre-productif.

A l’inverse, on essaie vraiment de positionner le territoire, pour que demain la Meuse soit bien placée face aux enjeux d’aujourd’hui (la saturation urbaine, les phénomènes d’exode urbain, le tourisme de proximité, les problématiques écologiques, etc.).

On pense que la Meuse a une vraie carte à jouer pour se positionner sur la carte mentale des touristes français comme une destination possible.

Mais pour être visible, elle a besoin d’une identité forte, d’où l’importance des choix. On ne peut pas tout mettre en avant.

« Je préfère une marque qui va parfois être critiquée plutôt que quelque chose qui passe inaperçu »

Moi je vis en Meuse depuis toujours, je sais qu’il y a plein de belles choses à valoriser ici.

Je sais aussi que c’est un département qui est plutôt dénigré. Et jusqu’ici, il n’y avait aucune réelle politique de valorisation du territoire.

Par où commence-t-on en termes de marketing territorial dans un département qui souffre de préjugés et où il y a tout à faire ?

C’est très schizophrène. D’un côté, il faut embarquer les habitants. Or, les meusiens n’ont pas du tout les mêmes attentes que les cibles auxquelles on s’adresse pour la partie touristique. Il faut aussi faire venir des entreprises, etc. Ce n’est pas simple de tout concilier.

Vous avez d’un côté des gens qui ont besoin d’être rassurés, qui du coup ne veulent pas aller trop loin, ne veulent pas choquer, etc., et qui ne se mettent pas à la place de gens qui ne connaissent pas du tout la Meuse.

Et de l’autre des personnes qu’il faut convaincre avec des actions suffisamment fortes.

Donc on commence par trouver l’équilibre, c’est-à-dire à la fois mettre en place des actions rapides,  qui vont viser à séduire les meusiens et leur montrer qu’on arrive à avoir des résultats, qu’ils peuvent être fiers de leur territoire, et en même temps se demander ce qu’il faut mettre en place si on veut vraiment attirer de nouvelles personnes en Meuse, sur quoi il faut appuyer sur les années à venir.

On commence par identifier les atouts du territoire et pour ça, on rencontre un maximum d’acteurs, dans toute leur diversité.

Et ensuite on cible nos messages : on ne dit pas que la Meuse est faite pour tout le monde, mais si vous voulez une maison, du terrain, de l’espace, une vie tranquille, de la verdure, une certaine sécurité, une qualité de vie, bien manger, la Meuse est faite pour vous.

Campagne Meuse Attractivité : La Meuse c'est pas Zanzibar, mais juste on y est bien
Simplicité et authenticité : des valeurs qui prennent leur source sur le territoire, relayées dans les communications de l’agence d’attractivité

Comment fait-on pour sortir du lot face à des territoires qui ont de grandes métropoles, ou qui sont à proximité de la mer ou encore de grands sites touristiques ?

On fait une analyse la plus poussée possible des atouts et des faiblesses du territoire. C’est ce qu’on a fait avant d’accoucher de la marque. On sillonne le territoire en long, en large et en travers, pour rencontrer des habitants, des professionnels du tourisme, des petits commerçants, des élus, des Présidents d’association, pour voir comment chacun perçoit le territoire, quelles sont les forces du territoire d’après eux.

Et à partir de là, on analyse de manière très fine les aspirations des gens à qui on s’adresse et on trouve les points de contact. En fait c’est ça qui permet de savoir sur quoi on peut appuyer. Donc ça c’est la méthodologie, c’est ce qui permet de faire ressortir des choses. C’est ce qui nous a permis d’être dans la justesse.

Ça a notamment fait ressortir que, bien qu’il n’y ait ni la mer ni la montagne en Meuse, il y a un côté satisfaisant. Pour les touristes comme pour les gens d’ici, on se rend compte que la Meuse ne déçoit pas. Quand les gens viennent sans forcément savoir à quoi s’attendre, ils repartent enchantés de ce qu’ils ont vu et vécu. Les meusiens les accueillent bien, ils mangent bien, il y a une qualité de vie, de bons produits et finalement on offre une expérience qui est pleinement satisfaisante.

Et donc on se rend compte que dans le monde actuel, la Meuse a vraiment une justesse et un équilibre à proposer : plus de proximité, plus de conscience écologique, l’envie de respirer, de faire du télétravail, de développer des modes de vie un peu hybrides où on ne va pas au bureau tous les jours. Et on ne renonce pas à la proximité avec les grandes villes, au bureau à Paris si on veut, etc…

Par rapport à cette envie d’un mode de vie plus équilibré, ce que peut proposer la Meuse et que les autres territoires ne proposent pas c’est cette situation géographique exceptionnelle et cet équilibre de vie. Les gens ne cherchent pas forcément des expériences démesurées, on veut plutôt être rassuré, vivre des expériences qualitatives : faire du vélo, un bon resto, une petite sieste dans une ferme… donc ça a été l’un de nos axes de travail.

Il y a aussi tout le côté vie locale, qui est un des piliers que nous avons mis en avant : il y a une vie de village qui est très plaisante. Beaucoup de gens nous ont dit qu’ils retrouvent ici une France un peu perdue avec ses villages, ses personnages, les voisins qui se connaissent, qui s’entraident. C’est vrai que c’est assez facile quand on arrive en Meuse de connaître des gens, de trouver ses repères et de vivre une vie de village sympathique avec le petit marché de producteurs, la fête de village, se saluer dans la rue. C’est aussi quelque chose qui attire beaucoup.

Et enfin il y a un côté terre d’innovation : il y a pas mal de petites entreprises en Meuse, il faut savoir mettre en valeur ce côté innovation rurale heureuse. On peut être en Meuse dans une campagne calme et sympathique, et en même temps imaginer et construire demain. C’est notre 3ème axe de travail.

« La réussite de ce qu’on fait va dépendre de notre capacité simplement à montrer la Meuse, sans mentir, sans la travestir, et la montrer aux bonnes personnes, de façon ciblée »

Et côté élus, est-ce qu’il a été nécessaire de convaincre, de sensibiliser ?

Il y avait une demande de leur part. Pour certains, cela peut être loin d’eux mais d’une façon générale c’est bien compris et soutenu.

Il y a depuis longtemps la conscience d’un déficit de visibilité et de notoriété de la Meuse, donc qu’il faut travailler sur une identité meusienne qu’il faut faire exister. Il y avait une vraie attente autour de ça de la part des élus.

Bien sûr, on ne plaît jamais à tout le monde, c’est-à-dire qu’on n’est pas allés dans le consensus mou au moment de construire la marque territoriale, puisque ça aurait donné quelque chose de totalement insipide. Je préfère une marque qui va parfois être critiquée plutôt que quelque chose qui passe inaperçu. Mais globalement les élus sont vraiment contents de ce qui est fait.

Rendre les meusiens de nouveau fiers de leur département : l’un des objectifs de Meuse Attractivité

Aujourd’hui les territoires s’expriment un peu comme le font les marques. Quelles différences faites-vous entre le marketing d’un territoire et celui d’une marque ? Est-ce qu’il y a des différences majeures ou au contraire des convergences ?

Il y a des différences majeures dans le sens où un territoire c’est autre chose qu’un produit. J’ai travaillé en agence, avec des marques comme Danone, Lapeyre, etc. Ce n’est pas la même chose. C’est d’ailleurs ce qui m’a amené en Meuse : je trouve ça beaucoup plus noble de travailler pour un territoire. En tout cas je trouvais intéressant d’utiliser ce que je sais faire pour participer à créer de l’emploi, faire revivre des villages… donc ce n’est pas tout à fait la même chose.

Néanmoins, les techniques sont là et de ce côté, il n’y a pas de différence majeure. Justement, on apporte au service d’un territoire un savoir-faire qui a été mobilisé auparavant au service des marques. Dans le tourisme, on retrouve les notions de clients, de prospects, de tunnel de conversion, etc.

On a aussi conscience qu’on est financé par des fonds publics donc on ne fait pas n’importe quoi, on respecte les règles, on est responsables dans la manière dont on utilise ces fonds.

Le confinement a eu une influence sur les envies des Français par rapport à leur cadre de vie. Est-ce qu’en Meuse vous percevez un regain d’intérêt pour le département, de la part des personnes extérieures ?

Pas vraiment un regain, c’est plutôt une découverte. La Meuse comme pépite a toujours été là, simplement il faut la voir. Il faut la montrer et savoir la montrer. Le contexte nous y aide, ensuite la réussite de ce qu’on fait va dépendre de notre capacité simplement à montrer la Meuse, sans mentir, sans la travestir, et la montrer aux bonnes personnes, de façon ciblée, ce que le digital nous aide beaucoup à faire. Parce que la Meuse n’est pas un territoire de tourisme de masse, donc on évite les médias grand public qui ne nous permettraient pas de toucher les publics visés.

Le digital nous a apporté cette capacité à cibler les personnes qui ont une sensibilité pour la ruralité, un intérêt pour les atouts qui sont ceux de la Meuse. La télévision et les médias grand public ne permettent pas ce ciblage, donc le choix des outils a son importance.
Je pense qu’il y a d’une façon générale un regain d’intérêt pour cette France des campagnes et cette ruralité. On voit sortir des magazines qui parlent des néo-ruraux, les médias parlent de ce phénomène, il y a une vraie aspiration des gens à changer de vie. Dans ce contexte, la Meuse a une belle carte à jouer !

Pour certains territoires ruraux, la valorisation de leurs atouts via le marketing territorial revêt un véritable enjeu de survie : la baisse du nombre d’habitants se traduit aussi par une baisse de l’activité économique et vice-versa, créant un cercle vicieux dont il est difficile de se défaire.

Meuse Attractivité a su identifier et valoriser les atouts du territoire meusien pour séduire de nouvelles populations et redonner de la fierté à ses habitants. Chaque territoire a ses propres pépites ! L’agence d’attractivité le prouve à travers une communication juste et ciblée, facilitée par le digital, en parfait accord avec l’identité du département et de ses habitants.

L’idée du marketing territorial n’est pas d’embellir une réalité mais bien d’être au plus proche de l’existant, pour toucher les bonnes personnes, celles qui trouveront leur bonheur sur le territoire et auront envie d’y rester.

Ne pas trahir, ne pas inventer des atouts qu’on n’a pas, ne pas non plus chercher à tout dire mais plutôt choisir quelques points forts : une stratégie qui porte ses fruits en Meuse avec les différentes campagnes portées par Meuse Attractivité.

Au-delà d’une image à changer, le marketing territorial vise en l’occurrence à réinsuffler du dynamisme, grâce à une synergie d’actions : au croisement entre économie, tourisme et vie locale, c’est remettre en lien un territoire et des populations qui vont se nourrir mutuellement.

sticker Juste en Meuse

Pour en savoir + sur Meuse Attractivité : https://www.lameuse.fr/